« Je m’attends à un coup d’accélérateur pour l’innovation »

Avant toute chose, en quoi la recherche est-elle nécessaire ?
Prof. Moritz Tannast : La qualité de la prise en charge médicale passe également par la recherche clinique, et ce pour diverses raisons. Plusieurs règlements relatifs aux spécialistes conditionnent explicitement l’obtention du titre à l’accès à la recherche clinique ou des publications. De nos jours, les collaborateurs sont tellement mobilisés au quotidien qu’il leur reste peu de temps à consacrer à la recherche, voire uniquement pendant leur temps libre. Il importe donc d’être en mesure de leur accorder du « temps protégé » pour la recherche. Plusieurs études montrent que les hôpitaux disposant de programmes de recherche obtiennent de meilleurs résultats cliniques. Citons l’exemple du cancer de l’intestin : une étude anglaise* conclut que les patients ont de meilleures chance de survie lorsque l’hôpital est fortement impliqué dans la recherche. Grâce à elle, les thérapies et les traitements progressent en permanence, justifiant d’autant sa nécessité.

La recherche permet en outre de recruter du personnel médical hautement qualifié au sein de l’HFR, qui a plaisir à y travailler. Dans le milieu, on retrouve l’expression « publish or perish » selon laquelle quiconque ne publie pas n’est plus dans la course, et cela se vérifie. Je peux encore citer de nombreuses autres raisons, notamment l’importance de la recherche pour la carrière académique. Ce qui compte, ce n’est pas uniquement le nombre de publications mais aussi les titres professionnels. Accroître la renommée de l’HFR nécessite d’engager des médecins dont les résultats sont attestés au niveau académique, p. ex. privat-docent. De ma propre expérience, je sais qu’un titre de professeur pèse lourd dans la balance. 

Quelle est l’importance du Master en médecine humaine pour la recherche ?
Nous assumons notre mandat de recherche en collaboration avec l’université. À l’hôpital, nous avons le privilège de pouvoir faire de la recherche sur nos patients, ou plus précisément sur leurs données. C’est très important au niveau du portefeuille de recherche que nous sommes en mesure de proposer. L’HFR emploie des personnes très compétentes, innovantes et parfois hautement spécialisées au rayonnement international, en mesure d’accomplir ce mandat.

En qui consiste la recherche sur les patients ?
Il s’agit avant tout de mettre en œuvre de nouvelles méthodes sur la base de données existantes et d’idées innovantes. La recherche sur les patients est en grande partie rétrospective. Cela signifie que l’on étudie le parcours des patients et les conclusions que l’on peut tirer de ces données. C’est la raison pour laquelle nous avons également mis en place le consentement général grâce auquel chaque patient peut contribuer à la recherche en mettant ses données à disposition – de manière anonyme, bien sûr. Nous exploitons ces données pour nous assurer de la qualité du traitement : quelles sont les chances de survie des patients atteints de cancer de l’intestin à l’HFR ? Comment nous positionnons-nous ? Le fait d’appartenir à un groupe de recherche nous donne également accès à de nouveaux médicaments qui ne sont pas encore sur le marché. Sans la recherche, nous ne pourrions jamais les obtenir.

Revenons-en aux subventions de recherche : à qui bénéficient-elles concrètement ?
Des limites claires ont été fixées : seuls les médecins employés au sein de l’HFR peuvent obtenir des subventions de recherche HFR.

Par qui sont-elles financées ?
Le canton verse des subsides pour la recherche à l’HFR, qui sont exclusivement consacrés à la recherche clinique. Toutefois, aucune structure à proprement parler n’était en place pour accompagner ces travaux de recherche ces dernières années. Les choses devraient changer avec l’appel d’offres pour les subventions de recherche 2020, qui pose des règles claires et accorde un maximum de 30 000 à 40 000.– par projet. À l’avenir, notre objectif est d’assurer un meilleur suivi des projets soutenus ainsi qu’une meilleure transparence. C’est la raison pour laquelle nous allons créer une fondation qui pourrait également bénéficier du soutien de sponsors, de donateurs, etc. À vrai dire, cette structure aurait déjà dû être créée cette année, mais la pandémie de covid-19 a ralenti nos démarches. Elle sera donc mise sur pied en 2021, mais cela n’aura pas d’influence sur l’appel d’offres de cette année.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis des subventions de recherche ?
Je m’attends à un coup d’accélérateur pour l’innovation et à un intérêt accru pour la recherche ! Actuellement, de nombreuses idées ne sont pas développées et ne peuvent pas être appliquées. Les subventions de recherche permettront de leur donner vie. C’est pourquoi nous lançons cet appel d’offres, mais aussi le « Prix de la recherche HFR 2020 » qui récompensera le meilleur projet.

*Downing et al, High hospital research participation and improved colorectal cancer survival outcomes: a population-based study, Gut. 2017 Jan;66(1):89-96